N'allez pas là où le chemin peut mener, allez là où il n'y a pas de chemin et laissez une trace !


Esquisse par ©Le long pour le mur des Flamants roses sis 1 rue des Bruyères aux Lilas

Entretien avec Evelyne Lebouvier, août 2024 - (1/3)

- Zig, Siegfried, Sigismond, 3 prénoms pour une seule personne, c'est assez singulier, comment doit-on t'appeler ?

Depuis mon objection de conscience, en tant que « bulliste » soit le réceptionniste dans sa bulle de verre, à Théâtre-Ouvert, c’était en 1993, où l’équipe m’appelait Sieg-Sieg ou Zig, c’est devenu mon blaze. C’est l’abréviation de mon prénom et c’est plus facile à prononcer ! Quand Facebook en 2017 a supprimé mes trois comptes ; à mon nom à celui de Henri Salvador et de Pierre Barouh, que j’avais usurpés, j’ai choisi Sigismond comme pseudonyme.

Il est assez proche de Siegfried, de par les origines burgondes et le nom sonnait bien à travers l’inflation de noms anglais et de jeu de mots. J’allais pouvoir ramener un nom mérovingien pour la gloire des anciens, dont Sigismond de Luxembourg qui semble-t-il compte parmi mes ancêtres. Le nom de CASSIDANIUS est celui de ma mère, il signifie, « le domaine des chênes ». Assez facilement, je dirais que je cultive mes racines avec ce patronyme qui sonne diablement ancien. J'ai toujours su qu’il deviendrait mon pseudonyme depuis que j’ai commencé à écrire avant je signais et je taggais HVS pour « Herr von Sie », LOL !
C’était l’époque de « Happys Days », dans les années 80, avec « Fonzie » le loubard au grand cœur.



- Siegfried, un prénom qui a des consonances germaniques si je ne me trompe, que signifie-t-il ?


Ça a été un prénom difficile à porter en Seine-Saint-Denis où je suis né, pour lequel mes parents ont dû demander une dérogation pour ce prénom allemand, les copains à l’école primaire m’appelaient « Steak-frites » ! En opposition à la vulgarité de ce plat, je me suis construit une personnalité élitaire en banlieue, le lieu au ban, la marque de la frontière. Siegfried veut dire la « Victoire par la Paix », c’est le deuxième opéra de la Tétralogie de Richard Wagner, je n’aime pas ses idées politiques, mais comme Baudelaire, j’admire son génie romantique.

Siegfried est un héros emblématique des légendes desquelles je suis pétri, tant par la musique qu’on écoutait beaucoup à la maison, sur « Deutsche Grammophon » par Otto Klemperer ou Herbert von Karayan ; que par mes origines lorraines et franc-comtoises, où il y a beaucoup d’influences suisse et allemande dans la « Culture » et dans la culture populaire.


- Tu es Guide urbain et tu as une formation d'historien, tu as été Directeur de centre aéré, tu écris, tu fais des conférences...A l'image de tes 3 prénoms, cela fait plusieurs casquettes à porter. Est-ce que, par exemple, ta formation d'historien t'aide dans la conception de tes visites ?

Sûrement, en bon nostalgique je privilégie ce qui est ancien ou qui renvoi à l’histoire. Il y a des artistes qui portent des discours historiques, je pense à C215, le peintre des batailles dans la tradition dont il se recommande et à Icy & Sot, dont l’argument historique de la guerre Iran-Irak, me touche naturellement. Mais si j’aime l’histoire, je pense que la vie doit l’emporter et je ne suis pas conservateur.

Aussi, je m’inspire de mon autre casquette, d’animateur-jeunesse pour illustrer mes commentaires des œuvres, en donnant la parole à mes invités, je pense qu’une bonne visite avant le contenu de savoirs échangés est un moment de vie partagé. Car c’est une équipe un groupe et avant tout, un moment où chacun se sent libre de prendre la parole. C’est ma fonction de pédagogue qui revient. Et ma formation d’animateur, car j’ai eu une formation pour la scène jeune-public au Théâtre des Roches à Montreuil pendant plusieurs stages, ensuite pour les séjours ou les ateliers j’étais le référent de l’équipe dans ce domaine. On a d’ailleurs fait quantité de spectacles, j’aimais bien les contes africains.
Il y a des enfants que j’ai vu prendre comme leur autonomie de penser, qui se sont révélés…



- Et ton expérience dans la Petite enfance ?


Elle m’a beaucoup apporté du point de l’accès à la culture. Ayant travaillé en école maternelle et en primaire, dans des quartiers dits « sensibles » j’ai eu à cœur de faciliter aux enfants une ouverture sur le monde. J’avais ainsi fait l’objet d’un entretien pour un mémoire de Master II, par Mery BOUFFIL, elle est aujourd’hui responsable du pôle « Publics » aux archives de la mairie de Nice, à propos de l’ouverture aux pratiques culturelles, car le centre de loisirs fréquentait beaucoup « la galerie des bibliothèques », qui m’avait repéré.

Ça me rappelle une année, avec les grandes sections, nous sommes allés dans plusieurs lieu de culte, un temple hindouiste, une mosquée et une église. J’avais eu des remontées négatives après l’église d’ailleurs, pourtant ce n’était pas dans un objectif cultuel mais bien culturel. Partager, c’est s’enrichir selon moi, et la vraie richesse de notre époque, c’est l’information comme me l’a appris mon vieux maître Toni NEGRI.

OBEY l’a écrit place Igor Stravinsky à Paris : « Connaissance + Action = Pouvoir »



- Cela fait xxxx ans que tu arpentes les rues de Paris, peux-tu dire que tu connais Paris comme ta poche ? As-tu des quartiers, des arrondissements que tu préfères ?


Je me souviens d’une étude par l’université de Bordeaux, qui montrait que les étudiants connaissaient certains quartiers de la ville, fonction de la ligne de métro à côté de chez eux, qu’ils empruntaient le plus. Je suis un enfant de la ligne 11, l’ancienne ligne 3 qui finissait à Porte des Lilas. C’est pour ça qu’Eddy Mitchell chantait «station Opéra, direction Lilas». La ligne 3 a été déviée en 1971 vers Porte de Bagnolet et on a créé la 3bis jusqu’à Gambetta qui est la plus petite ligne du réseau de Paris… donc la ligne 11 dessert Châtelet comme terminus et c’est mon point de chute naturel.

J’y ai toute mes mythologies personnelles et celles de mes parents qui se sont connus boulevard de Sébastopol à l’Agence BN de la Société Générale, celle des mandataires aux Halles qui y avaient leur compte et c’était haut en couleurs d’après leurs récits. La cheffe de service de ma mère était « Rose », c’était la mère de l’acteur Jean-Pierre KALFON, que j’ai toujours adoré, il a joué dans quelques Truffaut.

C’est drôle come les mythologies de la génération d’avant, fonde la vôtre dans un autre mouvement… Aussi, ma mère nous a amenés très jeunes, rien que pour voir les vitrines de Noël à la Samaritaine ou au BHV. On allait place du Châtelet, on franchissait « Sébasto », on passait à la fontaine des Innocents, jusqu'aux Halles de Ricardo BOFIL à l’époque avec les mosaïques de Fabio RIETI dans les espaces intérieurs et devant chaque escalator.

C’étaient des animaux lointains et justement j’ai beaucoup aimé ce décalage des œuvres de celui que je rencontrai pour une exposition en 2018, mais sans savoir qu’il en était l’auteur, c’est sa petite fille, LOUYZ, qui me l’a appris récemment. Comme quoi, tout est relié et la vie est un éternel retour. J’ai connu le centre de Paris, donc, mieux que les alentours de chez moi, assez tôt.



- As-tu le même intérêt, le même attrait pour la banlieue parisienne ?


Bien sûr que j’aime mieux Paris, c’est une ville qui nous est envié de par le monde entier. Je la connais bien, et pour revenir à ta question précédente, je connais très bien les quatre premiers arrondissements, en tant qu’étudiant, j’étais à Jussieu et j’ai beaucoup arpenté le Quartier Latin à ce moment. En tant que guide ou simple promeneur, j’ai découvert des endroits, que j’adore comme les rares cours qui demeurent dans le XIVème arrondissement, la Petite Ceinture et sa portion ouverte dans le XIIIème, « La Petite-Alsace » dans le même arrondissement.

Mais il y a un quartier qui m’impressionne, c’est le XVIème, je suis toujours choqué par la largeur des avenues du Mahatma Gandhi et de Mozart par exemple. Mais dans le XVIème, j’adore la rue, presque le sentier, qui longe la maison de Balzac… Il y a longtemps, quand vous marchiez dans les rues pavillonnaires de la banlieue, vous ne manquiez jamais d’avoir peur d’un molosse écumant qui saute sur le grillage à votre passage. C’est le pire de la banlieue.

Mais je dois dire que j’apprécie de me promener dans ces rues au printemps quand les arbustes jouent leur symphonie de fleurs, leur concerto de couleurs et d’odeurs. C’est ce que j’ai vécu à Montreuil la dernière semaine du confinement en 2020, la banlieue c’est pour moi un air de liberté par rapport aux côtés à l’équerre et à la pollution de la capitale.



- Comment prépares-tu tes visites ?


Goethe a écrit « Les Affinités électives » c’est un beau livre et je garde le titre pour qualifier mes interventions. Je fais mieux partager ce que j’aime, donc je procède d’abord depuis mon intérêt personnel. C’est un registre qui peut recouper nombre de centres d’intérêts que j’ai et aussi, puisque choisir c’est renoncer, à en éviter scrupuleusement d’autres.

Je n’aime pas bien les visites « mainstream » comme la Butte-aux-Cailles ou le boulevard Vincent Auriol. J’aime découvrir de nouvelles œuvres, il y en a aussi dans le XIIIème, mais c’est bien de sortir du cadre, comme les artistes. Depuis plusieurs années je travaille sur la notion de Grand-Paris, en commençant à Paris pour finir en banlieue. Je trouve intéressant de montrer les transitions qui ont été mises en place. Tant par de nouveaux ouvrages pour désenclaver un quartier par une passerelle sur l’A4, que par les artistes locaux appelés à manifester leur talent par des prestataires privés ou par les pouvoirs publics.



- Te souviens-tu de ta première visite ?


Oui, évidemment ! Ma marraine dans les visites est Bénédicte PILET, de l’agence Fresh Street Art Paris. C’était fin octobre 2018, pendant les vacances de la Toussaint, un tour de Belleville en anglais pour des étudiants des Pays-Bas je crois. On s’était réparti le terrain, elle le bas-Bellevile et moi le haut, retour à Ménilmontant en deux heures.

J’avais demandé 40€, à l’époque je travaillais pour Demian SMITH, un « english » assez lunaire. J’avais eu le plan par Heaven au Collectif 3 Couronnes où je squattais tous les jours depuis le 15 août 2018 et la fresque de MOANO. La Friche 3 Couronnes m’a permis de rencontrer beaucoup d’artistes, dont certains que je compte encore au nombre de mes amis ou de connaissances.



- Aurais-tu une anecdote à nous raconter ?


Oui, je me souviens d’une visite pour un groupe de 80 jeunes filles d’un pays de l’est de l’Europe, sur les trois guides prévus, j’étais le seul à être présent. Il a donc fallu que je fasse la visite pour 80 personnes à moi tout seul. C’était encore avec Demian, en 2019. J’ai commencé par parler à tout le groupe, mais très vite je n’ai plus parlé qu’à celles d’entre elles en tête à mes côtés et pour les autres, j’ai juste assuré le tour. Je me souviens du problème pour faire traverser à 80 personnes la rue de Ménilmontant !



- Tu appelles respectueusement "tes Invités", les personnes qui participent à tes visites, pourquoi cette dénomination ?


C’est encore l’école Kasia, elle m’a toujours parlé de nos « guests » ce qui se traduit par invités, ce ne sont pas des « customers » ; j’ai trouvé la distinction jolie et je l’ai gardé comme expression. Car mes invités apprennent de mon tour comme ils m’apprennent à mon tour. C’est une relation cordiale, de gré à gré et je ne dois pas oublier la dimension humaine et me commettre dans le seul aspect économique.

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