Les à-coups de la voie, les figures ratées, les kicks écrasés par terre, les coups et recouds ; ces silhouettes qui inscrivent leur trace singulière et leur mouvement particulier du corps. A la faveur d’un trait de grip ; ondulation de la vague de béton comme sous la goulette de la vague du "vieux fou qui dessinait". Regarder le corpus de la ville sous l'angle des corps mouvant. Photographie des graffitis inscrits dans les plis Leibniziens du bitume. Frise d'asphalte et repli « concret » de base cimentée. Instabilité calculée, équilibres précaires contre lesquels s’ingénier, qui renvoient à la réalité brute, et, de la gravité ; la loi. Ombres du corps dans les chromes des rampes de lancement. Perspectives de la ville, en sous texte, entre les lignes. Inscription FMR. Inspirée par la lecture de Finnegans SK8 : Mes vagues de béton, quelques fragments sur le skateboard. La liberté du récit des corps traduit la liberté de penser l’espace urbain.
Bien qu’il n’y en ait pas, l’espace public appartient à tous, et c’est
sa plus haute revendication libertarienne. Comme elle est à tout le monde, la
rue n’est à personne. Sauf à ceux qui posent leur trace, dans cette jungle de
béton, et se retournent pour l’observer ; afin de l’améliorer la prochaine
fois. C’est la vieille opposition entre le « wasichu » et le « peau-rouge »,
le premier avance tout droit, l’autre se retourne sur ses pas et les recalcule
à la manière d’une application intuitive à l’IA améliorée. C’est là toute la
différence entre les barbares et les êtres civilisés.
Les vandales ne sont pas toujours ceux que l’on croit
Pli de peinture dans la gestuelle du corps, en courbe pour border la
piste d’un trait de bombe.
Un train de lien entre la stature et la peinture. Un train de vie, qui
s’exprime à travers une gestuelle personnelle. Une « gesture » avec
une posture, qui se joue des règles de l’équilibre.
Il est sans cesse renouvelé au gré du trait de la « spray »,
dans la foulée de la couleur apposée par vagues. Par jet vertical, par une
habile succession de projections à jet continu contre la paroi. A l’horizontale
de l’à-pic, le tracé se heurte à la dureté du mur. Proportionnellement opposée,
autant le premier est sans pitié, autant le second est contingenté. L’espace et
le corps se déploient dans une attitude pop‘philosophique envers la surface de
soutènement.
Inversement, à la dureté du plan est opposée la durée du mur. Dans un « a-vainement »
issu des vagues de couleur de la mouvance de l’évènement, une fois capté par
les photographes, pour vérifier que la chorégraphie de la rue est une manière
d’inscrire le corps dans la ville.
L’artiste se fonde sur le point d’attache, celui du contact avec le
parpaing ou le béton, cette mince bande qui reçoit de façon organisée, le trait
du jet. Une aire ténue à laquelle le peintre est comme attiré par la loi de la
gravité renversée. Celle de l’intelligence du support au bout du caps de la
bombe, selon les trois critères fondamentaux de la « ride » ; la
pression, l’inclinaison et la distance. Celle du soin attentionné au parement
des murs gris, celle enfin de la guérison d’une ville sans couleurs, un
« urbicide » au sens artistique, un dévoiement au sens politique. Une
empreinte dans ce cadre fermé, cet espace-clos et le souvenir du geste qui lui
est apposé.
| Sitou à Montreuil cité de la Noue, juin 2025 |
1.
Je vois à
la brune
Dans le ciel brique des tours naines
La nue des phalènes
2.
Sur le
mur accidenté
Déboule le pinceau
Au feu orangé
3.
Dans le détour
de la pente
Je vois poindre l’ante
Du ponant rasant
4.
A-coup
haïku telle est
L’empreinte sur béton
Notre pas désuet
5.
Laisse-béton
le ni
Ce n’est toi ma pogne
Nid suspendu des cigognes
6.
Pas
pentatoniques
Toujours la même rythmique
Le pied sur le pli
7.
Péninsule
et pontons
En pied et cap Finistère
Au bout de la mer
8.
Nose and
Tail retail
Marché des corps et tracés
Deck d’après détail
9.
La queue
par devant
Le nez en arrière
Je suis contresens
10. Flippe la couverture
En embuscade les jointures
Au nez bien pointu
11. Deck et bec devant
Je descends la pente le nez
Au vent dans l’allant
12. Board aussi tribord
Deck astiqué sur le pont
Spi à l’Aquilon
13. Frise de béton elle
Irise l’imposture du port
Altier de mes wheels
14. Risque de mes roues
Dans le vide qui me secoue
Fresque de mon Paris
15. Trois coups et c’est tout
Trois patins j’assoie mon train
Pas plus pas moins
16. Fly-tox ou intox
Je frise le sol sur la rampe
De la détrempe en inox
17. Est-Ensemble – East-Side
Entre eux deux ma board
Est tiraillée sur les bords
18. SK8 fara da se
Sur la surface de ciment
Si je rate je mens
19. Imagine Eugene
Un trait de fart sur l’asphalte
Une trace anodine
20. Quotidien de glisse
Du pinacle je farte mes bords
Aux abords de lice
21. Descente de Prozac
Sur ma vie comme le tarmac
Atterri l’Esprit
22. Pointe avec mon nez
De vitesse sur les pavés
Me grise et m’aiguise
23. Faites de la descente
Sur la planche de SK8
De la board la fête
24. De la prise de bec
Je tente un flip enchanté
La barrière rebec
25. Danse du scalp
Panse du skate
La tête en Colgate
26. Télégraphe la crète
Un kick en paraphe
Un graff centripète
27.Dans la ride de la pensée affleurant la surface de béton comme une vague à dompter au pied de la lettre, j’interroge les koans japonais. L’art de remplir le vide avec l’immensité de l’instant présent. Pousse de bambou, pousse le deck sur le support mental d’un paysage urbain. Un pas chasse l’autre et la contradiction en est réduite à sa primale logique, passée au rabot vandale
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