Fabio Rieti était un artiste habité, un passionné de musique et de poésie, une âme vibrante dans le concert de la création. Pour preuve, son hommage à Jean-Sébastien Bach à l’angle de la rue éponyme de Paris 13ème, le mur qui établit le point d’orgue des trois générations puisqu’il a été peint par le maître en 1980, et, restauré par sa fille et sa petite-fille en 2016.
Il commence sa carrière par sa collaboration avec l’architecte Émile Aillaud, qui va durer quinze ans, avec lequel il couvre de mosaïque la façade de grands ensembles comme à Grigny, Courbevoie, Chanteloup ou Bobigny. Les grandes tours nuages à la cité Pablo-Picasso de Nanterre, c’est lui ! Il se tourne vers la figuration et réalise un coup de maître avec « Les fausses fenêtres » de Beaubourg, sa première peinture murale en 1975. Viendra ensuite « Le piéton des Halles », icône du quartier de Paris en construction. Il revient à la mosaïque en illustrant une jungle sauvage dans les circulations du Forum des Halles de Ricardo Bofil, fin des années 70.
Italien né en 1925, sa famille quitte le pays à cause des lois de l’État fasciste pour Paris, puis les Etats-Unis. Là, il s’initie à l’art de la mosaïque, ce qui l’amènera plus tard à la peinture murale. Il fréquente le milieu artistique de Soho et s’initie à la peinture. Il persiste mais il veut revenir en France et pose ses valises à Paris à l’âge de trente-et-un-ans. La fresque du métro « Etienne Marcel » témoigne de cette période, cet homme qui porte les valises de l’exil, c’est lui qui remonte la pente pour retrouver sa fille qui lui tend les bras. L’orchestre est une référence à la partition de J-S. Bach par Glenn Gould et Yehudi Menuhin (1) et à sa famille de musiciens.
Il est décédé le 17 mars 2020. Il est un pionnier dans son art, reconnu comme tel par ses pairs. Il a transmis son art à sa fille Leonor, qui l’a porté et soutenu. Elle a élevé sa propre fille, Louise dans ce savoir, presque cette croyance. « ARTOMUR » est la structure créée pour réunir leurs trois pinceaux et se situe de façon atavique à ce croisement. Être au croisement signifie être visible, c’est une façon d’apparaître « On the corner » (2), comme l’album de Miles Davis dont le son inédit sortait de la rue. Sa petite-fille Louyz sort du mur, à l’intersection de la technique du muralisme et de l’invasion programmée du Street-Art, de cette manière qui n’appartient qu’à elle, de réjouir nos murs de réelles présences (3), dans la filiation du bestiaire des Halles.
« C’est le quotidien qui est abyssal. Celui de notre raison d’être, de la rencontre imprévue, peut-être involontaire, avec l‘homme ou la femme dont l’amour changera notre univers, rencontre – Baudelaire le sait – au coin d’une rue ou à travers le reflet d’une vitrine. C’est le mystère qui est si terriblement concret ».
Inscrire
sa vie dans les pas du voyage, dans ceux de l’art peut-être est-ce
le meilleur parti que l’artiste ait trouvé pour garder la
fraîcheur de l’inédit dans ces improbables rencontres ?
Tourner
sa vie en trompe l’œil pour la révéler ? L’artiste est
voyant ; le pari étal de Fabio Rieti.
EXPOSITION FABIO RIETI jusqu'au samedi 2 novembre, finissage à 18h00, Galerie Sabine Bayasli, 99 rue du Temple, 75003 Paris, du mardi au samedi de 12h à 19h
1.
Gould Meets Menuhin: Bach/ Beethoven/ Schœnberg, Canadian
Brodcasting Corporation, 1966
2.
On the Corner – Miles Davis, production Teo Macero, Colombia
records, 1972
3.
« Réelles présences » George
STEINER, Gallimard, Paris 1991
Photos ARTOMUR – texte : Sigismond Cassidanius
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