Matt_tieu
Il trace un parcours singulier dans la ville, fait d'arrêtes et d'angles doux.
Son empreinte est celle du pas suspendu de l'autruche. Il filme dans cet ordinaire, l'incongruité de nos postures de posters. Comment s'afficher sinon en étant soi-même ? Comment donner sans sincérité ? Matt_tieu a trouvé la réponse dans le trait à la craie, sur les plus beaux murs que la ville ait à offrir. Il dessine la caricature des attitudes calquées sur le consumérisme, le goût du tout tout-de-suite, le caprice computériste de l'instantanéité, pour mieux les caricaturer.
Pour cela il a choisi l'animal qui l' « émeu » le plus, ce parangon de l'oiseau qui ne sait pas voler, comme un symbole du tiraillement entre passion et raison, nature et culture, idéal et réalité. Mais c'est une caricature riante sur laquelle l'artiste nous porte sur son aile et l'atterrissage est le plus souvent un sourire.
Si son chat pêche une arrête de poisson, c'est dire en dessin, la fuite délirante où cours notre monde qui se nourrit de phosphates et de métaux lourds en tous genres, qui brûle douze calories pour en produire deux à bout de souffle. En fait, ses bipèdes d'oiseaux inachevés retracent tellement la destinée humaine qu'ils jouent à plein la valeur catharsistique du théâtre grec, ce lieu public, où chacun peut se reconnaître et participer en tant que citoyen à une destinée commune.
Prenant le contre-pied du présupposé baudelairien selon lequel le créateur est handicapé par « ses ailes de géant [qui] l'empêchent de marcher », Matt_tieu saisit l'opportunité de marquer d'un trait blanc les contradictions qui nous empêtrent et l'ironie mordante et nécessaire de l'expression artistique.
Son squelette de baleine entourée de bouteilles en matière plastique est à ce titre éloquent.
Matt_tieu prend son temps, et par là, il nous le rend aussi. Son travail est à l'instar de la patine que lui confère les éléments, la pluie, le soleil, le vent et cette teinte particulière que prend la craie ternie mais toujours lisible, car elle creuse, griffe autant qu'elle trace. Matt_tieu en joue, dans la matrice aussi, qu'est-ce donc qu'un squelette n'était la préfiguration de notre condition mortelle ? Le temps, comme l'espace, sont courbes, non, c'est peut-être pourquoi l'artiste tend des élastiques à la manière d'un voyant, pour nous rattacher à ce qui nous relie.
La beauté moderne sera temporaire et vécue, selon Guy Debord, Matt_tieu nous en dresse le tableau…
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"N'allez pas là où le chemin peut mener, allez là où il n'y a pas de chemin...et laissez une trace" R. W. Emerson
Sigismond Cassidanius
- Animateur et guide urbain -
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📰 http://instagram.com/lajungledesvilles/
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